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Publié par Pour une vraie gauche à Lannion

« Yann Moix ou le parti de la haine

Yann Moix est un écrivain de médias, qui préfère le buzz à la vérité, l’outrance à l’esprit critique, l’éructation à la démonstration. Dans le dernier numéro de Marianne, il se livre à un numéro éblouissant. Il invite solennellement le nouveau Président de la République à être « ferme ». Contre qui, direz-vous ? Les inégalités, les destructions d’emploi, les licenciements, la spéculation massive, la corruption, les emplois fictifs, les paradis fiscaux, le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie, l’homophobie, l’islamophobie ? Pas du tout. Le scandale, c’est le laisser-aller des pouvoirs face aux « huées des sans-culottes », au « chaos » des récriminations, à la « foule » qui déshonore le « peuple ». En bref, l’ennemi est du côté de « la France haineuse », de « l’extrême gauche » et de sa « toxicité ». Et d’où vient ce mal absolu ? L’évidence éclate alors : le ver est dans le fruit depuis 1793 et, plus encore, depuis la Commune de Paris, en cette année 1871 où « l’immense majorité des Parisiens était prise en otage par la folie rouge ».

En une « Semaine sanglante », dans un doux mois de mai, les troupes gouvernementales de Versailles firent couler à flots le sang des communards parisiens, fusillèrent, arrêtèrent, déportèrent, contraignirent à l’exil des dizaines de milliers de femmes et d’hommes. Pourtant la haine et la rancœur, semble-t-il, furent l’apanage des victimes et pas celle des bourreaux. Le peuple de Paris commit, il est vrai, une faute irréparable : il voulut d’une République, mais pas de celle des notables. Il fit de la Marianne son symbole, mais estima qu’elle ne pouvait être elle-même que si elle était sociale. Il rêvait d’une chose toute simple, qui n’existait pas alors et que nous cherchons encore : un pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple. Les communards prenaient au sérieux la trinité de l’égalité, de la liberté et de la fraternité. Ils imaginaient qu’elle pouvait quitter les frontons officiels et se glisser dans la cité, dans le monde du travail, dans la culture et dans l’éducation. Criminelle impertinence…

Comment peut-on aujourd’hui rabâcher sans relâche ces contes à faire peur aux enfants ? Des dizaines de livres, des centaines d’articles ont été écrits pour sortir la Commune de l’ignorance, de l’approximation et de la sottise. Peine perdue : pour Yann Moix, les procureurs de Versailles, seuls, sont les dépositaires de la vérité. Il fallut attendre cent-quarante-cinq ans pour que l’Assemblée nationale, enfin, décide que les acteurs de la Commune devaient être réhabilités. Une majorité de députés l’a fait, le 29 novembre dernier, ajoutant que la représentation nationale souhaitait que l’action et les valeurs de la Commune soient mieux connues et reconnues par la nation. À lire les propos accueillis cette semaine par Marianne, on se dit que ce parti pris est décidément le bienvenu, tant l’ignorance et la caricature restent de saison.

La Commune de Paris n’a pas à être enjolivée, pas plus qu’elle ne peut être vilipendée. Il suffit de dire ce qu’elle a été, dans sa diversité, son foisonnement, ses hésitations et même ses contradictions. Elle ne donne pas de leçons toutes faites. Elle ne se copie surtout pas. Nous ne sommes pas au XIXe, mais au XXIe siècle. À sa manière, la Commune innova et, si nous voulons la suivre, nous devrons innover à notre tour. Mais elle nous laisse un état d’esprit, une soif de justice, de démocratie directe, de laïcité, un sens de la chose publique, toutes choses qui, presque cent-cinquante ans plus tard, restent d’une incroyable modernité.

Que cela dérange Yann Moix est son affaire. Mais qu’il le dise franchement, au lieu de nous épuiser par ses poncifs. Il y a très longtemps, d’autres ont tenu des propos analogues aux siens. Beaucoup sont oubliés aujourd’hui. Sera-ce le cas de Monsieur Moix ? On peut en faire le pari…

Roger Martelli (Historien, Association des amies et amis de la Commune de Paris 1871) »

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